MARCHÉ FINANCIER LE CHAÎNON MANQUANT

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Édition N° 147 du 29/09/1994, publié dans l’économiste, par Jaouad Chbani Idrissi

MARCHÉ FINANCIER : LE CHAÎNON MANQUANT: LA CERTIFICATION DES BILANS  

Le mécanisme de la bourse des valeurs repose, nonobstant ses aspects purement techniques, sur l’appréciation par le public des performances des entreprises. De cette évaluation découlera le prix qu’il est disposé à payer pour se rendre acquéreur des actions d’une ou plusieurs sociétés. Cependant, l’appréciation du public des résultats d’une entreprise va prendre en considération un certain nombre d’aspects d’ordre commercial (part de marché, entreprise leader, secteur d’activité, perspectives), managérial (équipe de direction, modernisation), technique (qualité de l’outil de production) et financier. Sur ce dernier aspect, les interrogations sont multiples et peuvent se résumer aux questions suivantes : MARCHÉ FINANCIER LE CHAÎNON MANQUANT

1- Capacité de l’entreprise à générer des profits ?

2- Politique de distribution des dividendes ?

3- Financement de sa croissance et équilibre financier ?

4- Qualité de la gestion et choix stratégique ?

5- Pérennité de la société ?

Parmi les documents dont dispose le public pour tenter de répondre à ses interrogations figurent un certain nombre de documents comptables établis et présentés par la société concernée. Quel crédit faut-il accorder à ces documents ? Quel est leur degré de fiabilité ? Seul un professionnel indépendant investi des moyens d’investigation les plus larges peut être en mesure de donner son opinion motivée sur les documents comptables présentés au public qui sera ainsi plus à même d’évaluer en toute connaissance de cause la valeur des actions qu’il compte acquérir. La législation instituant les OPCVM, le Conseil Déontologiques des Valeurs Mobilières (CDVM) et les sociétés de bourse a prévu que les états comptables présentés et publiés par les sociétés cotées doivent être certifiés par un commissaire aux comptes membre de l’Ordre Marocain des Experts-Comptables ou par un expert-comptable diplômé. Le législateur a donc prévu l’intervention d’un professionnel reconnu pour garantir aux tiers la qualité des informations produites par les sociétés cotées sous le contrôle du Conseil Déontologique (CDVM).

Par ailleurs, la loi relative à la réglementation de la profession de l’expertise comptable et à l’institution d’un Ordre des Experts-Comptables a donné le monopole de la certification des comptes d’une entreprise et le commissariat aux comptes aux seuls membres de l’Ordre des Experts-Comptables. La volonté du législateur est donc clairement exprimée en ce qui concerne la nécessité de garantir au public des informations financières par des professionnels de haut niveau. Mais il manque à cette chaîne un maillon important qui concerne la définition légale de la mission du commissaire aux comptes au niveau de : MARCHÉ FINANCIER LE CHAÎNON MANQUANT

– l’étendue de son intervention ;

– des moyens que la loi va mettre à sa disposition pour qu’il puisse effectuer sa mission ;

– la durée de la mission et sa permanence ;

– des incompatibilités de l’exercice de cette mission ;

– de la responsabilité du commissaire aux comptes ;

– de la fixation de ses honoraires ;

– de la durée de son mandat (actuellement fixé à un an) ;

– etc.

Depuis quelques années, un projet est régulièrement réactivé mais il n’a pas encore vu le jour.

Par ailleurs, le droit des sociétés, qui date de 1922, a besoin d’être revu dans le sens d’une plus grande responsabilisation des instances dirigeantes des sociétés vis-à-vis des actionnaires, de la reconnaissance du droit de la minorité, de la protection du patrimoine de la société, etc.

Bien entendu le système judiciaire devra de son côté privilégier les affaires commerciales et appliquer une procédure rapide pour régler les litiges pouvant survenir entre associés ou entre les actionnaires et les dirigeants. La relance de la Bourse des Valeurs doit donc passer nécessairement par la mise en place d’un environnement juridique très complet qui permettra au public d’investir en connaissance de cause et dans une plus grande transparence. MARCHÉ FINANCIER LE CHAÎNON MANQUANT

Carte de visite du commissariat aux comptes

La profession de commissaire aux comptes devra être réglementée dans le cadre de la réforme du droit des sociétés.

La réforme de cette profession passe par la définition de ses éléments constitutifs. Les principaux éléments sont :

Son objectif :

– certifier que les états de synthèse donnent une image fidèle des actifs et passifs, ainsi que de la situation financière et des résultats de la société ;

– vérifier la sincérité des informations financières présentées ;

– s’assurer que l’égalité a été respectée entre les actionnaires.

Sa mission :

– vérifier que les informations financières présentées et examinées sont conformes avec les informations qu’il a lui-même acquises sur l’activité de la société par l’application des normes spécifiques ;

– s’assurer que la société a respecté les obligations réglementaires ;

– établir un rapport comportant son opinion motivée.

Sa nomination :

– la loi du 03/03/1993 prévoit que le commissaire aux comptes est obligatoirement membre de l’Ordre des Experts-Comptables.

La durée de son mandat :

– le mandat de 1 an doit être porté à 6 ans et ses pouvoirs d’investigations élargis et rendus permanents.

Les honoraires :

– à viser en fonction de la tâche assumée et de la responsabilité encourue ;

– un barème doit être fixé officiellement (total bilan, CPC, etc.).

Les incompatibilités :

– avec toute activité de nature à porter atteinte à son indépendance ;

– avec tout emploi salarié sauf chez un commissaire aux comptes ou un expert-comptable inscrit à l’Ordre ;

– avec toute activité commerciale ;

– les parents et alliés des fondateurs, administrateurs, etc. de la société vérifiée ou de ses filiales.

D’autres textes en préparation

En dehors du commissariat aux comptes, le Gouvernement planche depuis une année sur des réformes touchant à l’environnement de l’entreprise. L’un des textes principaux vise à renforcer les droits de l’actionnaire minoritaire. « Actuellement, dans l’entreprise marocaine, l’actionnaire minoritaire est moins que rien”, disait M. Saaïdi, ministre de la Privatisation. Or, sans renforcement de la position de l’actionnaire minoritaire, le développement de l’actionnariat populaire est dérisoire.

par Jaoud Chbani Idrissi

Expert-comptable, membre du réseau SPA